Endroits en vers 2
LA GARONNE
Tantôt, elle file.
Lame droite.
Froide.
Lisse.
Un bateau glisse.
Des roseaux s'effilent.
Tantôt, elle s'insinue.
Sale et jouisseuse,
Elle lèche la boue
De ses rives nues.
Bains de pieds des cabanes de pêches.
Caresse des mouettes.
Tantôt d'acier.
Tantôt de terre.
Saint Louis de Montferrand
Au milieu des espaces imberbes du port,
Il fait léger et vert.
Les frênes s'agenouillent
A la sieste de la rive.
Souffle d'ombre.
C'est le rendez vous sur la vase
Des mouettes rieuses.
Mélange d'eau, d'air et de terre.
Les châteaux, témoins de cette osmose
En ont les murs tout roses.
Les passerelles tendent le bras
Vers le fleuve
Pour prendre
Dans leur carrelet
Sa mouvante sérénité
.
Le port.
Arrivées et départs se croisent.
Billes de bois tatouées pour l'exil.
Tas de charbon, tas de nuit.
Planches en pile ou face
Attendent le voyage.
Bateaux, camions et wagons,
Le manège tourne sans cesse.
Les hangars mettent en sourdine
La musique lancinante.
Les céréales fermentent,
Lasses de l'escale trop lente
Dans le ventre des silos.
Les containers somnolent
Entre un bonjour et un adieu.
Les grues font d'amples gestes d'acier
Et parfois rêvent qu'elles volent.
Le fleuve et les quais
S'accompagnent.
Même couleur
Et toujours en partance.
Le filet.
Le traverser
Ne parait pas difficile.
Régularité fragile.
Vides innocents.
Mille fenêtres respirent.
Mais la transparence ricane
Sous maille.
Les trous sont des soupiraux.
Seuls, le vent et l'eau
Se glissent dans les cadres.
Sac à jours de la nuit,
Le filet écume la vie.
Une nuit, le fleuve.
Il grimpe la maison,
S'insinue dans ses fentes,
Pénètre chaque forme.
Couleuvres saumâtres.
Il convertit le solide
En liquide,
Toutes les couleurs à la sienne,
Tout souvenir
A l'oubli.
Pourquoi rien ne résiste ?
C'est à qui le sucera,
A qui se gonflera de son jus maronnasse.
Toute chose est consentante.
Elle se mouille,
S'agenouille
Pour qu'il l'empoigne,
La ramollisse,
La pétrisse
Dans son sperme de gadoue.
Le fleuve étend sur ce chaos
À sa merci
Une écorce de boue
Et se retire.
Peinture.
Elle peignait
Les couleurs de la Garonne.
Postillons froids du brouillard.
Vision blafarde.
Images floues.
Un coup de pinceau.
Immobilité vert d'eau
Parfum d'huître
Reflet lisse du repos.
Glissait un bateau d'oiseaux
Caresse de lumière.
Emoi rose suranné
Frétillements niais.
Nuage fleur bleue.
Un caillou ricochait.
Mouvements beiges.
Tourment ressassé
Sous le poids d'un ciel bas.
Elle peignait…
Autoportrait ?
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