AU JARDIN D\'UNE PLUME

AU JARDIN D\'UNE PLUME

Conte pour les drogués de bonheur

CONTE POUR LES DROGUES DE BONHEUR

 

Conte pour les drogués de bonheur.

 

Je m'appelle Aurore. Je suis la fille de Maman et qui est Papa ?

Peut-être le Soleil, bain douillet qui a enveloppé de sa chaleur endormie le corps de Maman.

Peut-être le Vent qui l'a caressée en volant ses cheveux tenus par sa main qui riait.

Peut être l'Homme, chacun des deux dévorant l'autre du regard et de baisers, ravis d'être à la fois, elle en lui et lui en elle

Peut-être un de ses Poèmes ? musicien magicien qui lui chantait la transcendance des mots.

Peu importe !

Je suis leur fille à tous.

Je suis la fille d'Amour conçue un jour de folie.

Un jour de folie ou de Vérité ?

 

Peut-être un jour d'automne où leur cœur était d'or et crépitait comme le tapis où ils étaient couchés.

Peut-être un jour d'hiver où ils raillaient le froid en frottant leur corps l'un contre l'autre pour faire du feu comme on fait avec des silex.

Peut être un jour de printemps où ils riaient avec l'herbe et les fleurs qui se mêlaient à eux.

Peut être un jour d'été pour que, de tous leurs pores, jaillisse l'allégresse qu'ils jouaient à se reboire.

Peu importe !

Je suis la fille d'Amour conçue un jour de folie.

Un jour de folie ou de Vérité ?

 

Quelques fois Maman regarde par la fenêtre grande ouverte de son âme la bouffée d'air brillante d'espoir du lointain !

   Le Soleil qui rougit et rougit son visage,

La Mer qui fraîchit et rafraîchit sa peau,

Le Vent qui se berce et berce son plaisir,

L'Homme beau qui l'embellit de son regard,

Le Poème qui se dit et lui dit l'émotion.

La certitude de Maman attend leur venue. Elle pétille et dodeline de gaieté. Elle me serre fort et me susurre « Ma petite Aurore »

Elle passe sa main dans mes cheveux qui coulent comme les vagues de la mer.

« Tu as les cheveux de ton père. »

Elle embrasse le chatoiement de mes yeux qui l'illumine comme un soleil.

« Tu as les yeux de ton père.»

Elle entrouvre mes lèvres et se frotte le doigt contre le bord de mes dents humides,  petites et régulières.

« Tu as la bouche de ton père. »

Elle sent la tiédeur de mon souffle, brise enjouée contre sa joue.

« Ton souffle me rappelle celui de ton père. »

Elle écoute mes mots lui dire ma joie de sa joie.

« Tes paroles m'enchantent comme celles de ton père. »

Elle déborde de tendresse en les retrouvant tous en moi.

Je suis l'accomplissement de ses unions en suspension.

Je suis l'hostie de ses communions en pointillés.

 

 

Mais il y a des semaines traînardes

 Où le gris indémêlable des nuages s'enroule autour du Soleil,

 Où le Vent dort imperturbable dans son immobile indifférence,

Où la Mer s'est retirée, silencieuse

Où l'Homme est brassé par son travail, insensibilisé par ses raisonnables devoirs

Où le Poème se répand en banalités.

Alors pendant tout ce temps là, Maman, la droguée de bonheur ne boit plus le plaisir.

Elle est un trou vide, avide qui s'abandonne au noir et regarde hébétée défiler les discordes sanguinolentes, les mensonges grimaçants, les prisons acides et étriquées des conventions et des résignations.

Elle me repousse, elle met ses mains pâles de désespoir devant ses yeux crispés pour ne plus me voir.

Elle me renie, elle me crache, elle me vomit.

Le creux macabre du puits attire sa souffrance caverneuse.

Au fond de cette ombre profonde, on lui a dit que le bonheur éblouit, que l'épanouissement est infini.

Arriverai-je toujours à lui faire relever ses yeux gros de larmes pétrifiées, à reboucher d'espérance tiède le vide de son attente en lui chuchotant la promesse que tous vont venir rallumer sa félicité, faire couler sa sève étincelante ?

 

Je suis Aurore, la fille d'Amour irréelle et si réelle.

Vous voulez téléphoner à Maman ?

Faites le zéro, zéro, zéro. Si vous n'entendez rien c'est qu'elle est au bout du fil.

C'est son silence qui vous répond.

Si vous entendez une douce musique, un accord parfait, c'est un de ces moments où elle se mélange avec le Soleil, le Vent, la Mer, l'Homme ou le Poème.

 Elle est fusion, effusion, bonheur ou bien c'est peut être sous terre et chrysanthèmes, l'hymne de son éternelle ravissement.

 

(1er prix de poésie libre Académie des lettres et des arts du Périgord)

 



07/10/2007
5 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 12 autres membres